états généraux de la communication au Cameroun :quels enjeux pour le pouvoir en place

Publié le par Pat Rifoe

Issa Tchiroma Bakary, le ministre de la communication l’a évoqué, les états généraux de la communication se tiendraient prochainement au Cameroun. Dans sa livraison du 20 octobre, la nouvelle expression se fait l’écho de l’avancée de cette grande messe de la « communication » dont l’ambition affichée serait de ‘’dératiser et aseptiser’’ la presse camerounaise .On en profiterait d’ailleurs pour définir ‘’définitivement qui est journaliste et qui ne l’est pas.’’ L’organe de presse nous apprend au passage que ces états généraux ont été reportés pour des raisons qui ne sont pas totalement explicitées. L’article de Corine Cathy Koum est suivi par un recadrage de Alain Blaise Batongue qui précise que le cadre des états généraux poursuit une ambition d’analyse systémique d’un secteur donné. Le président de l’UJC argue que des états généraux devraient aborder des questions telles que le financement de la presse, la distribution, aux côtés des sempiternels problèmes de déontologie et d’éthique. A la suite de quoi Jean Baptiste Sipa s’interroge sur la principe du terme communication dans l’intitulé de la manifestation, en lieu et place de  celui d'« information ».

Sans vouloir faire de la police sémantique- chose qui est faite mais de manière imprécise par Jean Baptiste Sipa dans le même numéro, se rendant coupable d’un autre réductionnisme- l’utilisation du terme "communication" semble mal, sinon inappropriée pour qualifier ces assises. On peut en effet se demander si les spécialistes de la documentation qui sont une autre catégorie de médiateurs seront conviés à ces assises. Difficile de le penser. Quid des spécialistes de la médiation culturelle, gestionnaire de lieux de spectacles et producteurs du spectacle vivant pour ne citer que ceux là.

Il faut peut être chercher une définition de la communication pour réaliser le caractère hétérogène et toujours mouvant des lieux  que ce concept renferme. Y a-t-il adéquation il y a entre ce titre et le contenu. De quoi s’agit-il ? De communication ou d’états généraux d’une catégorie spécifique que prend la médiation dans notre société et au centre de laquelle se trouve le gatekeeper ?

Le ministre et ses ‘’conseilleurs’’ pourront toujours se défendre d’un usage métonymique du concept.

Quand au propos du président de l’UJC, ils pointent le cadre de cette assiste qu’il faut questionner dans ses objectifs. S’agit-il pour le pouvoir de contribuer à réguler le secteur, ou à mieux asseoir son contrôle sur les organes de presse à l’aune des présidentielles de 2011 ?

Réguler pour mieux contrôler…

Une analyse de la phraséologie que la journaliste prête au ministre nous fournit un excellent repère introductif.’ ’Dératiser’’,’’aseptiser’’ and so what serait-on tenté de s’interroger? D’où vient cette urgence de nettoyer à l’antiseptique, que dis-je au raticide le milieu de la presse, notamment écrite ?Certes, nous objectera-t-on, l’éthique fout le camp dans le milieu de la presse !Mais, est-ce spécifique à ce secteur de notre société ? S’il fallait dératiser le corps social au Cameroun, il y a très peu de secteurs qui survivraient à cette karchérisation. Et, la presse pourrait passer sur l’échelle des priorités après les forces de maintien de l’ordre, la justice et l’éducation.

Sans condamner l’initiative  du ministre, le cadre qui semble  assigner à cette initiative ne manque pas de subsumer des arrières pensées purement politique. Le décalage entre la définition du cadre proposée par le président de l’UJC et celle annoncée par le ministère de la communication conforte cette hypothèse. Car, à vouloir organiser des états généraux de la presse, qu’est-ce qui justifie que l’agenda de la manifestation  soit circonscrit à des questions d’éthique et de déontologie qui pour être essentielles, sont en concurrence avec celle de la distribution, du financement pour ne citer que celles évoquées par Alain Blaise Batongue.

On voit aisément que les priorités ne sont pas partagées par les parties prenantes potentielles de l’assise. Ce décalage aurait pu être résorbé si le ministre avait pris le temps de la concertation pour co-définir avec les parties prenantes les lieux qui feront objet de débat. Si monsieur Batongue a bien été reçu par le ministre, a-t-il reçu les autres acteurs du secteurs ,s’est-il inquiété des questions que les lecteurs, consommateurs trouvent pertinentes ? . Le parallèle avec ces états généraux de l’éducation d’une autre époque dont les  écoliers étaient absents est autorisé.

De ce fait, que peut-on attendre des ces assises ?Une meilleure régulation de la profession, ou un renforcement des mécanismes de contrôle de la presse par le pouvoir en place ?

On peut en effet se demander ou passera le curseur entre la dératisation promise et le bâillonnement de ce qui reste d’espace de liberté au motif que le milieu soit gangrené et les collisions entre politiques et milieux de la presse manifestes.

Si l’on retient le cadre ministériel, il est évident qu’il s’agit d’une assise au sein de laquelle seront présents les pouvoirs publics, les entreprises de presse ,les journalistes et quelques observateurs étrangers. Il ne lui viendrait même pas à l’idée que le lectorat ,  acteur essentiel dans le processus de production de l’information y soit convié .

Cette grande messe permettrait au pouvoir de conforter son contrôle des espaces de production du débat dans l’optique des élections présidentielles à venir. C’est ce qui explique d’ailleurs l’incapacité du ministère à concerter avant de définir le cadre de ces assises de la presse.

Il y a un lien entre l’agenda de cette manifestation et l’agenda politique. Un lien de détermination fonctionnelle que le ministre et ses conseilleurs se gardent bien d’expliciter .Il n’y a pas plus urgence à mettre au cœur du débat la déontologie  journalistique, que le financement de la presse ou encore  l’éthique policière . Cependant, ces questions qui pourraient toutes être mises à l’agenda ne procurent aucun gain politique à court terme. Autrement dit, il faut chercher du côté d’Etoudi cette ‘’saine’’ volonté de dératiser et aseptiser le milieu de la presse.

Publié dans opinions

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