Aux avocats de ‘’la veuve et de l’orphelin’’ « Piètres rejetons d’une illustre lignée » ?

Publié le par Pat Rifoe

 

Il se développe ce temps derniers dans l’espace public camerounais une pratique qu’il convient de questionner. Cette pratique consiste pour certains à s’autoproclamer avocats de causes « orphelines ». Certains, usant des leur exposition médiatique « achètent » comme qui dirait les problèmes. Le dernier exemple en date, nous est donné par la livraison de Cameroun Tribune du 27 novembre. Dans cette livraison, une plume entend  répondre aux accusations dont la presse nationale se fait l’écho à l’endroit du citoyen Franck Biya.

 Le fils du chef de l’Etat, est accusé d’avoir profité de son statut pour s’enrichir à travers le rachat de la dette souveraine camerounaise. La réponse qui est apportée mérite qu’on s’y attarde à plus d’un titre. D’une part car elle est le dernier avatar d’une pratique tendant à s’institutionnaliser, d’autre part, elle suscite davantage d’interrogations qu’elle n’en résout relativement à l’objet qu’elle entend protéger.  Ces avocats de la veuve et de l’orpheline sont-ils compétents pour parler en ses lieux et place des accusés? La prose employée est-elle argumentée ? Et enfin, ces avocats de la veuve et de l’orpheline, par ailleurs investis d’importantes responsabilités remplissent-ils avec efficience leurs tâches au point d’avoir la surface nécessaire pour se livrer  à ces combats d’arrière-garde? Voilà en raccourci le fil d’Ariane des développements qui suivent.

La performativité d’un énoncé est liée aux conditions de son énonciation

Lorsqu’un énoncé est produit, son caractère performatif pour reprendre la terminologie austinienne est lié à la place qu’occupe celui qui réalise l’énoncé. C’est ainsi qu’un avocat est légitime à parler au nom de son client, qu’un parent l’est pour les affaires de sa progéniture mineure, qu’un maire pour reprendre l’exemple canonique est habilité à consacrer le mariage entre deux époux. Il faut donc être habilité à dire les bonnes paroles dans des circonstances particulières afin d’en garantir l’effet.

A partir de là, on peut interroger la place à partir de laquelle les avocats de la veuve et de l’orpheline parlent-ils ? La place et les conditions sociales légitimant la parole sont-elles réunies lorsque certains s’auto habilitent à prêter leur plume défenderesse à un citoyen mis en accusation, à l’instar de Franck Biya ? Pour faire face en ses lieux et places à ses accusations, il faudrait être son conseil en communication (je veux croire que ceux qui le défendent aujourd’hui ne le sont pas), son avocat (personne ne leur connait des études de droit), un membre de sa famille (il est plus probable qu’elles le soient, ayant un jour accréditer  être des créatures du père du citoyen mis en accusation).

Qu’on soit ministre de l’enseignement supérieur, secrétaire à la communication du RDPC ou accessoirement créature du père du mis en cause, est-on pour autant habilité à défendre un citoyen majeur, jouissant des ses droits civiques et ni muet, ni manchot ?

 Franck Biya n’est pas membre du gouvernement. Au nom de quoi le ministre de l’enseignement supérieur lui prêterait sa plume. S’il avait été membre du gouvernement, il eut incombé au porte parole de celui-ci de donner la position du gouvernement sur le sujet. Le porte parole du gouvernement s’est abstenu avec une intelligence qui ne lui est pas connue, de répondre aux accusations formulées à l’endroit du citoyen Franck Biya à ce jour.

 En tant que secrétaire national à la communication du RDPC, il est possible d’exprimer la position du parti relativement à la situation d’un membre du parti sur lequel des présomptions pèseraient. A ma connaissance, le secrétariat à la communication de ce parti n’a jamais pris fait et cause pour  les camarades qui aujourd’hui croupissent dans les geôles de la république. Ils avaient également en leur temps, fait l’objet de dénonciation par voie de presse, pour des délits et infractions supposées. Si tant est que Franck Biya soit membre du RDPC, ce zèle dont aussi subit que spontané semble obéir à la partialité. Une attitude pareille accrédite la thèse de l’existence d’une caste d’intouchables au sein de ce parti.

Si on réagi au titre de créature de monsieur Paul Biya, on manifeste avec éclat le caractère totalitaire d’un pouvoir autoritaire et paternaliste. Pouvoir qui soumet les sujets, que dis-je les créatures aux bons vouloir du roi et des princes. Dans cette hypothèse, l’opération de déminage vise à indiquer à l’opinion publique que l’affaire Franck Biya ne saurait faire l’objet d’une instruction. Dans la réponse aux lettres de Marafa, les avocats de la veuve et de l’orpheline conseillaient à ce dernier de réserver ses vérités à la justice camerounaise. La cohérence voudrait qu’une recommandation identique soit faite au citoyen Franck Biya. En effet, les accusations dont il fait l’objet ne sauraient laisser la justice indifférente. Ses défendeurs se sont abstenus d’évoquer une seule fois dans leurs plaidoyers pro Franck Biya la justice. La validité de leurs arguments fluctue-t-elle à la tête du client ?

Leurs propos sont donc à la fois illégitime, non performatif et frappé d’incohérence. Qu’en est-il de leurs développements ?

Quand le pédantisme sert de cache-sexe à la sécheresse argumentative

Chers avocats de la veuve et de l’orpheline,

Vos réponse, comme vos diverses saillies donnent l’impression d’être des dissertations rédigées par un élève de classe de seconde ou de terminale, découvrant à la fois les subtilités de la langue de Voltaire et la philosophie avec Platon. Il offre alors à chaque exercice un condensé de son érudition. Si cela est admirable et même encourageant au secondaire, ces usages sont inconvenants pour la prose universitaire. Accumuler les auteurs ne saurait être un viatique quand la thèse est mal formulée et les arguments absents.

La tribune libre publiée dans le Cameroun Tribune en est un cas d’école. Voisinent ainsi sans aucune mise en perspective dans ce texte des thèses aussi hasardeuses que discutées et largement remise en cause vu l’état de l’art dans les différentes disciplines dont elles ressortissent. Albert Camus, Socrate, Platon, Voltaire, Beaumarchais et Schumpeter sont tour à tour mobilisés au gré de  développements, mâtinés eux-mêmes de narrativité greimassienne.

 S’il est vrai que pour d’autre la dénonciation est le violon d’Ingres, Greimas est celui de certains. Il n’y a qu’à voir la mésusage qui en est fait dans Médias et enjeux de pouvoir au Cameroun. Ce melting pot me conduit naturellement à rappeler que le « pouvoir d’imitation n’est pas pouvoir d’invention ». Pour un universitaire, il faut tâcher de penser par soi-même. C’est le moins qui soit attendu des professeurs d’Universités !

D’autre part, ces auteurs sont tous hormis Beaumarchais qui est poète des créateurs d’un système de pensée. La théorie de l’entrepreneur chez Schumpeter, la mise en évidence de l’absurdité de la condition humaine chez Camus, l’idéalisme chez Platon, la maieutique socratique pour aller vite. Quand on sait le caractère absolutiste des systèmes de pensées, on ne peut que saluer le tour de passe-passe par lequel sans nuance, les avocats de la veuve et de l’orphelin les font se succéder dans leur prose. Chapeau !

Le style, pompeux, emphatique, fait d’une accumulation de qualificatifs, enfume peut être les amateurs de bons mots et de belles phrases, mais quand on ôte ce vernis, que voit-on ? Est-il seulement question d’argumentation dans ces textes ? Il est plus proche de la louange que de la démonstration méticuleuse. Il est vrai que leur faconde n’est pas celle d’un avocat. Ce qui leur tient lieu d’argument serait ceci : les dénonciations dont fait l’objet Franck Biya découle d’une supposée position de dauphin. Ils  en concluent qu’en levant ce lièvre, l’affaire serait entendue. 

Je souhaite pour ma part, et quelques camerounais avec moi savoir s’il y a eu dans une affaire de rachat de dette souveraine par une société dont il est le principal actionnaire ou le seul, délit d’initié ? Il faudrait alors savoir si la loi en l’état punit ce délit, et si le cas échéant, il faudrait légiférer pour pallier ce manque. Je souhaite également savoir si la société de ce « brillant opérateur économique » à été créée pour le besoin de cette opération là spécifiquement, ou alors, si elle existait antérieurement ? Est-elle connue pour des activités similaires sur des dettes souveraines d’autres pays ? Ces questions permettraient si, on se permet d’y répondre d’éclairer la lanterne des camerounais sur les ressorts de cette affaire. 

Rendez-vous utile à l’université camerounaise !

Chers avocats de la veuve et de l’orphelin,

Je souhaite vous dire ma préoccupation pour l’université camerounaise dont certains parmi vos plus admirables représentants ont la charge. Le chantier est titanesque et il faudrait plus d’un hercule pour en venir à bout. Les questions  que posent cette institution sont-elles résolues ? La promptitude à défendre un individu qui ne vous a pas habilités masque-t-elle la lenteur avec laquelle  ces questions sont prises à bras le corps ?

Il est vrai qu’étant sa « créature », c’est par la grâce que vous tous êtes ministres. De votre compétence, il n’en fut jamais question. Cependant, il y a  des étudiants camerounais dans différents pays dont les bourses gérées par le  ministère  de l’enseignement supérieur. Certains accusent des arriérés pluri-annuels. Il y a, un faible retour au Cameroun des étudiants camerounais au terme de leurs études. Ces derniers préférant demeurer à l’étranger. Vous avez la situation structurelle et infrastructurelle de nos institutions universitaires. Un génocide intellectuel s’y prépare aujourd’hui. Il est la conjonction d’un faisceau d’élément dont ; les modes de recrutements ayant délaissé la compétence, la faible reconnaissance du statut de l’enseignant d’université, la mort de la recherche publique.

Face à ces causes qui méritent autant que vos veuves et vos orphelins d’être défendues, nous attendons vos réponses. Qu’elles soient à la fois moins torrentielle et plus efficiente que vos proses. Réservez vos énergies à ces combats qui garantiront à n’en pas douter de donner à notre beau pays un horizon meilleur. Au jour d’aujourd’hui, la professionnalisation et le système LMD apparaissent comme des cautères sur une jambe de bois.

Monsieur Franck Biya est un citoyen majeur, jouissant de ses droits, abstenez vous de le défendre. La maladresse de vos interventions pourraient être des circonstances aggravantes pour ce citoyen. quand bien même , ce serait possible, les tâches qui vous sont dévolues appellent un investissement exclusif de votre part. Cette dispersion, traduite dans vos saillies doit être contenue dans le périmètre de vos sphères de compétence. L’agitation jamais ne sera une politique.

De quelle lignée êtes-vous ?

Voltaire en son temps et dans l’agon l’opposant au chevalier de Rohan Chabot qualifiât ce dernier de « piètre rejeton d’une illustre lignée ». Vous êtes des universitaires avant toute chose. Peut être pas des intellectuels, mais déjà des professeurs des Universités. Etes-vous de cette lignée allant de Eboussi Boulaga , Jean Marc Ela à Godfroy Bidima et Ernest Marie Mbonda en passant par Achille Mbembé et autres Joseph Owona ? Y êtes-vous inscrit en pointillé, en traits interrompus fins, ou en traits continus ? Je me garderai bien d’user d’un qualificatif à vos endroit, bien que l’éloquence de  vos actes ne se puisse démentir.

Avec le respect dû aux responsabilités dont vous avez la charge !

Publié dans Penser le Cameroun

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