Plastic récup a soif de bouteilles

Publié le par Pat Rifoe

Lancée le 28 novembre 2012 à Douala, Plastic récup est une initiative de la SABC en partenariat avec HYSACAM. La campagne vise à récupérer les bouteilles en PET produites par la SABC. S’il est trop tôt pour faire un bilan de cette initiative présentée sous les auspices de la responsabilité sociale du côté de la SABC, on peut à titre d’hypothèse et à titre prédictif esquissé une analyse permettant de déterminer les chances de succès ou d’insuccès de cette campagne. Sur quel constat se base cette campagne ? Quel est son  mécanisme ? Quels éléments faut-il prendre en compte pour déterminer sa probabilité de succès ? L’horizon de cet article est le faible taux actuel de récupération des bouteilles.

Le constat

Le constat semble assez simple. Le conditionnement en plastique, notamment en PET (polyéthylène téréphtalate) est le plus usité pour les eaux minérales. Il se trouve cependant que ces conditionnements après consommation de leur contenu sont abandonnés dans la nature. Leur fin de vie pose de fait problème étant entendu qu’ils sont mis à la décharge. Il suffit de voir comment ils s’agglutinent dans les cours d’eau et dans les différentes décharges. Ce rejet des conditionnements en PET dans la nature est assez problématique attendu que ces bouteilles ne sont pas biodégradables. La durée de vie d’une bouteille en PET est de 1000 ans (estimation controversée).  Il y a là, une menace rampante pour l’environnement. La préservation de l’environnement de cette menace rampante se pose de fait pour les entreprises concernées. Face à cette problématique, l’hypothèse du recyclage des bouteilles en PET est apparue comme la solution la plus crédible pour endiguer la colonisation de notre environnement par les conditionnements en PET.  Une fois l’hypothèse du recyclage entérinée, se posait le problème du mécanisme permettant d’ouvrir un cycle de retour des bouteilles en PET vers l’unité de recyclage. Pour la SABC, il s’agit dès lors de réduire l’empreinte écologique de son activité de production et de commercialisation des eaux minérales.

Le mécanisme

La question du mécanisme de recueil des bouteilles est celle ayant probablement incité la SABC à rechercher un partenariat avec HYSACAM. Cette dernière entreprise étant en charge de la collecte et de l’acheminement des bouteilles en PET vers l’unité de collecte. Les bouteilles devant être exportée pour leur recyclage.

Le partenariat signé, il a fallu définir pour les SABC un principe incitatif destiné à motiver les consommateurs d’eau minérale à retourner leurs bouteilles vers la SABC. Contre 10 bouteilles vides déposées dans un bac à bouteilles, les consommateurs reçoivent un ticket donnant droit à une bouteille chez les détaillants. Le reçu est délivré par un agent installé près des bacs à bouteilles et chargé de vérifier le nombre de bouteilles retournées par chaque citoyen.

Dans la ville de Douala par exemple, les bacs à poubelles au nombre de 14 sont installés au rond point Deido, Stade Omnisport de Bépanda, Salle de fête Akwa, Pont Bonabassem, Stade Soppo, ancien Aéroport, Carrefour Casino, Ndokoti, Marché Ndopassi, E.P.Bilongue, Gare Routière, Grand Hangar, Antenne Kotto, Rond point Makepe.

Une faible adaptation du mécanisme incitatif

Ce mécanisme incitatif semble adossé sur une analyse insuffisante de la situation. Qu’il s’agisse du ciblage des individus, du coût relatif de ce retour ou encore de l’état des bouteilles éligibles au recyclage.

Un  insuffisant ciblage des individus concernés

Le public cible de cette opération semble aller de soi. En effet, tout se passe comme si ceux qui sont préposés dans les ménages à l’évacuation des bouteilles en PET sont ceux qui acquièrent également l’eau minérale. Il nous semble pourtant que dans le cycle d’acquisition et d’évacuation des bouteilles d’eau minérale des ménages, les acquéreurs sont très rarement les évacuateurs. Il est possible de distinguer plusieurs cas.

 Chez les CSP+, consommateurs quotidiens d’eau minérale, l’acquéreur d’eau minérale est soit le mari, soit le dame. L’évacuateur des bouteilles est le domestique. Ce dernier possède une autonomie totale sur le devenir des bouteilles. Il ne rend aucun compte du sort des bouteilles à ses patrons. Dans le second cas, celui des CSP intermédiaires, les bouteilles sont évacuées des domiciles par les cadets sociaux. Peut-on penser que l’incitation promise par la SABC sera suffisamment engageante pour modifier les modes de faire dans ces ménages ? Si on tient compte de ce que, ces évacuateurs ne sont pas des consommateurs d’eau minérale, il faut considérer le mécanisme comme ne s’adressant pas à eux. La troisième catégorie est constituée de consommateurs occasionnels. Ce sont essentiellement les femmes enceintes et les malades. Dans ces ménages, les volumes de bouteilles sont moindres. Elles ne sont pas évacuées. Elles servent directement pour le commerce de l’eau glacée, le transport des oléagineux, et du pétrole.

Retourner les bouteilles vers les bacs à bouteilles ; un centre de coûts pour le consommateur ?

Le second point aveugle du mécanisme incitatif repose sur l’organisation des points de récupération. Le mécanisme est un mécanisme impliquant un déplacement supplémentaire. Au déplacement induit dans l’acquisition d’eau minérale, il faut désormais ajouter un déplacement vers les bacs à bouteilles. Ceci est un coût supplémentaire que le ratio bouteilles vides contre bouteilles d’eau minérale actuel ne suffit pas à rendre intéressant. L’eau minérale s’acquiert dans des commerces de proximité, mais, les lieux d’évacuation ne se confondent pas à ces lieu d’acquisition. Dans plusieurs cas, il faut dépenser un montant équivalent ou supérieur à celui d’une bouteille d’eau minérale pour déposer ses bouteilles dans les bacs.

L’état des bouteilles à retourner ; de première ou seconde main ?

Le dernier point aveugle du mécanisme incitatif est celui de l’état des bouteilles. S’attend-on à des retours de bouteilles de première main ( dont le contenu en eau vient d’être vidé) ou de bouteilles de seconde main (ayant déjà servi à d’autres usages). Il semble en effet, que des bouteilles déjà usagées soient plus intéressantes à évacuer de l’environnement que les bouteilles de première main. Celles-ci sont en effet à la base d’une économie informelle dont il convient de tenir compte.

Le cycle de vie des bouteilles en PET et son économie informelle

Le cycle de vie classique des bouteilles en PET est le suivant : production et transport des matériaux constitutifs, mise en forme des emballages, production et transport des matériaux, distribution des bouteilles, consommation et évacuation.

Dans le marché camerounais, les bouteilles ne sont cependant pas mise à la poubelle après consommation de leur contenu en eau. Ce bouteilles sont réaffectées à d’autres usages comme contenant . Elles entrent dans la commercialisation de l’eau fraiche dans certains quartiers, dans la commercialisation de l’huile de palme, des arachides etc. Ce sont ainsi les bouteilles ayant déjà été affectées à d’autres usages qui sont destinées à rejoindre les décharges.

Derrière cette réinvention des bouteilles de première main se cache une économie informelle. Cette économie est faite d’intermédiaire entre les bouteilles et sa seconde réaffectation. Plusieurs individus se consacrent ainsi au rachat dans les quartiers de ces bouteilles qu’ils revendent. Le prix d’achat oscille entre 25 FCFA l’unité et 100 FCFA pour 3 bouteilles. Elles sont revendues 50 FCFA.

Un échec prévisible ?

Au regard de ce qui précède, il est possible de s’interroger sur les chances de succès de l’opération  Plastic récup. En l’état, l’optimisme doit être modéré. En effet, le mécanisme, pour volontariste qu’il soit semble insuffisant pour intéresser les individus préposés à l’évacuation des bouteilles. D’autre part, le mécanisme mis en place est concurrent d’une économie informelle mise en place de longue date et dont le rendement est très élevé pour les bouteilles de première main.

Il faudrait alors pour accroitre le taux de retour orienté le recyclage vers les bouteilles de seconde main tout en confondant le circuit d’acquisition de l’eau minérale d’avec le circuit d’évacuation des bouteilles en PET. Enfin, la non monétisation des bouteilles retournées constitue un frein. Les cadets sociaux et les femmes de ménages et agents de sécurité préposés à l’évacuation des bouteilles n’étant pas des consommateurs d’eau minérale. 

Publié dans La publicité

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