Questions pour 25 000 recrutements
300 000, ce serait le nombre de postulants au recrutement spécial lancé il y a quelques temps par le gouvernement. Un engouement certain qui traduit si besoin est l’attrait que la fonction publique continue à exercer sur les jeunes à la recherche d’un emploi. Un chiffre qui est le révélateur de l’ampleur du chômage dans un contexte ou l’Etat est le principal pourvoyeur d’emploi.Les entreprises étant peu viables et l'entrepreunariat une entreprises périlleuse.
La mesure a été saluée par certains, vilipendée par d’autres. Au delà de toute pétition de principe sur les actions qui peuvent être portées au crédit du gouvernement, convenons que…
Le paradis de ces emplois est pavé d’intentions bassement politiciennes
En effet, les enjeux de cette opération sont à situer dans un entre-deux qui articule contexte international et situation interne.
A l’international, la révolution de jasmin née dans les revendications sociales, vite transmutées en demandes politiques a conduit à la fin de la galaxie Ben Ali-Trabelsi. L’Egypte a suivi quelques temps plus tard. Cet embrasement dont on se demandait s’il ferait tâche en Afrique subsaharienne n’a pas manqué de susciter des inquiétudes au sein du gouvernement en place. La braise couvant sous la cendre des émeutes de 2008 indiquait qu’il fallait anticiper sur des revendications sociales qui n’auraient pas manqué de faire vaciller le régime.
Au plan interne, la perspective était d’une part prospective avec les élections présidentielles comme horizon, mais aussi un septennat des grandes ambitions dont personnes ne se souvient vraiment. Comment légitimer un candidat dont les grandes ambitions ont accouché de petites réalisations ?
Tel était le double défi à la confluence duquel le recrutement de 25 000 contractuels était positionné.
1. Eviter toute contagion mimétique de revendications sociales en donnant l’illusion du mouvement dans un régime sclérosé.
2. Donner des raisons d’être aux multiples motions de soutien qui ne manqueraient pas de fleurir pour appeler le candidat président à se re-présenter.
3. Donner des éléments de bilan du septennat des grandes ambitions marqué par des petites réalisations.En effet,les grands projets structurants relève aujourd'hui de l'arlésienne.Ils restent à ce titre des ambitions du barrage de Lom pangar au port de Kribi.
Qu’on se le dise, ceux qui demain auront un emploi par le fait de ce recrutement accéderont au paradis par le jeu des calculs politiciens d’un régime dont l’autopoïèse est la principale préoccupation. Il n’y a pas eu malgré les timides justifications d’études menées sur les besoins réels des administrations camerounaises. On se contente pétition de principe qui oblige à postuler que ces besoins existent. Tout se passant comme ci ,il s’agissait d’une mesure technique, là où le politique au sens le moins noble du terme se donne à voir.
Faut-il au motif que les enjeux de cette opération sont politiques en minimiser les effets ? Difficile de le penser, d’autant que de manière concrète, il y a 25 000 camerounais qui vont accéder à un emploi. Ce n’est pas négligeable. Les camerounais doivent se souvenir qu’ils devront ces emplois à la crainte d’une contagion des mouvements nés dans le Maghreb et des élections présidentielles qui commandaient d’entretenir la clientèle électorale. On est tout de même en droit de se demander si l’Etat ainsi que les camerounais ont tiré toutes les conséquences de cette procédure de recrutement et des effets non prévus pour parler comme Norbert Elias des actions commises.
Le premier ordre de questions porte sur la transparence du processus. En effet on entend dire que nous sommes tournés vers 2035, horizon à l’aune duquel le Cameroun doit être pays émergent. L’occasion est donné au gouvernement par ce recrutement de montrer qu’il se donne les moyens nécessaire pour que cette ambition noble ne fasse pas pschitt et ne soit rangée au côté des grandes ambitions qui resteront dans les mémoires comme un simple élément de langage. Pour cela, une condition la transparence, un seul désir, la compétence.
Transparence et compétence, le couplé gagnant ?
Quels sont les critères qui permettront la discrimination entre postulants ? Ces critères ne méritent-ils pas au cas où ils existent d’être portés à la connaissance à tout le moins des candidats ? Ces critères ont-ils été définis à priori, serviront-ils de justification à postériori aux choix ?
Pour être camerounais, il faut éviter que la méfiance qui caractérise la réussite aux concours administratifs, l’accès aux postes de responsabilités ne décrédibilise ce recrutement. En effet, le triangle d’or de l’accession à la fonction publique c’est le parrainage (il faut être cousin ou fils d’un cacique du régime), le clientélisme (il faut payer pour réussir aux concours) et les pratiques magico-mystiques pour emprunter à Ateba Eyené. Ce triangle d’or prévaudra-t-il lors de ce recrutement ? L’absence de critères clairs expose ce recrutement à ces périls. Sur la base de quoi en effet choisira-t-on Y plutôt que X ? On pourrait ainsi se demander l’expérience n’étant pas prise en compte si l’équilibre régional sera respecté ? La mention à diplôme égal permettra-t-elle de choisir entre deux candidats à un même poste ? Retiendra-t-on les prioritairement les plus jeunes considérant qu’ils pourront travaillés longtemps, ou alors les plus âgés en considérant que leur chance d’accéder à un emploi s’amenuisent le temps passant ?
La non-transparence sur les critères sera la porte ouverte à toute sorte de fantasmagories alimentées par des pratiques réelles. Le mécontentement de 275 000 déçus entretiendra le discrédit qui caractérise aujourd’hui l’accès à la fonction publique.
Au lieu de cela, le gouvernement peut choisir de jouer d’une part la carte de la transparence en communiquant sur les critères de sélection, mais plus encore de montrer son engagement à faire du Cameroun un pays émergent. Le choix serait alors celui de mettre de côté toute référence à la région pour privilégier la compétence. La qualité de notre service public souffre aujourd’hui de ces individus particulièrement incompétents qui ne doivent leur poste qu’à l’appartenance à une région. Il faut aujourd’hui choisir entre l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035, et la promotion de l’incompétence généralisée qui pour nourrir l’ambition d’émerger, nous conduira plutôt vers une immersion certaine. Il s’agit d’un test à l’aune duquel la volonté de développer ce pays en l’engageant dans une autre voie sera mesurée.
Le dernier ensemble de question se rapporte aux conséquences de l’insertion de 25 000 individus dans la fonction publique
Vers le clientélisme généralisé ?
Dans son édition en date du 04 avril http://www.lanouvelleexpression.info/societe/2808.html, la nouvelle expression publie la grille des salaires qui seront appliqués aux individus recrutés au titre de cette campagne spéciale. Le moins que l’on puisse dire c’est que les salaires volent aux ras des pâquerettes. On apprend ainsi que postuler pour un poste d’assistant avec ou sans thèse ouvre sur un salaire oscillant entre 117.462, 15 F Cfa et 117. 411, 55 F Cfa. Qu’un médecin spécialiste prétendra à 117. 462,15 F Cfa.Il s’agit là des salaires de bases ne tenant pas compte de l’indemnité de logement et des diverses retenues sur solde. Ces salaires sont bas, et ne correspondent pas à la qualification supposée des candidats, ni à la charge de travail et aux responsabilités qui seront les leurs.
Il y a fort à parier que certains candidats se désisteront lorsqu’ils auront eu des éléments de salaire afférents à ce recrutement. D’autres accepteront cette situation et rien n’autorise à penser que ce sera avec le désir épuré de servir le pays. Car lorsque l’on à investi sur son éducation, on dispose d’un capital qui doit être valorisé à juste titre. En proposant des salaires conformes à l’étiage paru dans la nouvelle expression, l’Etat se comporte comme ces patrons peu scrupuleux qui proposent des salaires indécents aux individus au motif que le marché de l’emploi est saturé par les demandes. Pour ceux qui auront accepté de pareils salaires,il faut avoir présent à l’esprit le souvenir de la baisse des salaires des années 1990 ;Ce qui se passât alors c’est une généralisation de la corruption qui permit aux fonctionnaires de garder des niveaux de revenus égaux voire supérieures à ceux antérieurs à la baisse. De ce fait, l’hypothèse que nous faisons est que ceux des individus qui accepteront un salaire aussi bas considéreront qu’il ne faut pas confondre salaire et revenus. De la sorte, ils ne manqueront pas de créer des situations de rentes qui permettront de compenser le manque à gagner. Ce qui risque de se produire c’est une accélération de la dégradation de la qualité du service public, avec pour corollaire un renforcement des conduites déviantes. Les rabatteurs continueront à fleurir aux entrées de nos hôpitaux, les médecins encourageront de plus belle les patients à les consulter dans leurs domiciles qu’ils auront tôt fait de transformer en clinique privée. A l’université, les notes sexuellement transmissibles peuvent voir venir, les notes contres paiements d’argent également.
Les salaires publiés par la nouvelle expression ne peuvent décemment permettre aux individus recrutés de subvenir à leurs besoins élémentaires, pas plus que d’apporter une réponse aux multiples sollicitations dont ils seront l’objet de la part de la famille (maintenant qu’ils ont un emploi).
Sans être un hibou lugubre, le recrutement des 25 000 apparaît comme un coup de fouet à la corruption et à la généralisation du clientélisme. La CONAC peut toujours s’agiter, ils ont de beaux jours devant eux.